Depuis 2015, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) prépare une Convention internationale visant à mieux protéger les femmes contre la violence (sexuelle) au travail.

En chemin, il a été décidé de viser plus large et les derniers travaux préparatoires battent aujourd’hui leur plein en vue de la conclusion, pour juin 2019, d’une Convention contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Le 27 novembre, l’IFSI était présent, avec la FGTB et le Conseil consultatif Genre et Développement, à un séminaire au Parlement fédéral sur la progression des préparatifs de la Convention.

De quoi s’agit-il ?
L’idée est que personne, au travail ou autour du travail, ne peut être victime de violence (sexuelle), d’intimidation ou de harcèlement. Personne et donc certainement pas les travailleuses ou les travailleurs, le personnel de maison ou quiconque travaille de façon informelle, effectue un stage ou postule pour un job par exemple. Le concept de lieu de travail est un concept large : cela peut être dans une entreprise, mais aussi chez le client ou même sur internet. La violence et le harcèlement sont considérés au sens large, comme un continuum de comportements. Une attention est de mise pour les personnes qui sont particulièrement vulnérables, en raison de la nature des relations de travail, du sexe, de l’âge ou de leurs origines. Les textes se basent en outre sur un renversement de la charge de la preuve. Parmi les fondements, on retrouve également les conséquences de la violence domestique sur le travail, ainsi que la lutte contre les discriminations au travail. Le fait que cette Convention devrait s’appliquer dans le monde entier et à toute personne active la rend très particulière.

Un cadre soutenu
Une telle Convention est bien plus qu’une simple Recommandation sur la forme que devrait prendre la législation du travail : il s’agit d’un cadre législatif qui, une fois accepté, doit être respecté. Comme tous les pays font partie de l’OIT, avec des représentants du gouvernement, des employeurs et des travailleurs, la question de l’assise pour une telle Convention ne se pose pas. La FGTB est également présente pendant les négociations où avec la Confédération syndicale internationale, nous pesons sur les débats, car des améliorations pour les travailleurs dans le monde entier sont une bonne chose pour tous.

Une décision qui n’a pas été prise à la légère…
Tout a commencé par l’idée – qui était très importante aux yeux des syndicats – de lutter contre l’intimidation et la violence sexuelle envers les femmes au travail via un cadre international. Fin 2015, l’OIT a décidé d’entamer le travail et de demander à des experts de dresser un état des lieux de la problématique. Un White Report (livre blanc) publié en avril 2017 comprenait un aperçu des lois et pratiques et un questionnaire pour tous les représentants au sein de l’OIT. Sur cette base, l’OIT a rédigé en mars 2018 un Yellow Report (livre jaune), qui a servi de base pour les négociations lors de la réunion annuelle de la Conférence Internationale du Travail en juin 2018. Point encourageant, il existe un large consensus en faveur d’une Convention, plus contraignante qu’une simple Recommandation. La réunion a permis un accord sur les grandes lignes. Le résultat et les points de discussion ont été rassemblés dans un Brown Report (livre brun) et sont aujourd’hui commentés par les syndicats, les employeurs et les chefs de gouvernement. Le Blue Report (livre bleu) est attendu pour mars 2019 et formera la base des négociations finales à Genève en juin 2019, à l’occasion de la 100e session de la Conférence Internationale du Travail. Les derniers obstacles doivent donc encore être franchis.

Quels sont les principaux points de discussion ?
S’il est évident que personne n’est contre la lutte contre la violence et le harcèlement, des points de discussion subsistent toutefois encore concernant le contenu concret. La définition du concept de « travailleurs vulnérables » est, par exemple, un de ces points de discussion. Il peut s’agir de travailleurs dans des ménages individuels ou de personnes particulièrement vulnérables en raison de leur orientation sexuelle ou de leur origine ethnique. De nombreux gouvernements et/ou blocs continentaux bloquent sur l’orientation sexuelle et l’origine ethnique. Le consensus consisterait à continuer de parler de travailleurs vulnérables, sans plus. La notion de violence comme un continuum de comportements ainsi que la notion de lieu de travail font encore l’objet de nombreuses discussions. Celles-ci doivent-elles faire l’objet de définitions détaillées comme le veulent les employeurs ou doivent-elles rester vastes pour pouvoir englober le plus de cas possibles ? Les syndicats, mais aussi la délégation gouvernementale belge par exemple, plaident pour une définition la plus large possible. Les employeurs se montrent également difficiles en ce qui concerne la lutte contre les conséquences de la violence domestique sur le travail. Ces points seront de nouveau abordés en juin lors de la Conférence Internationale du Travail et devront être bien défendus.

Que disent les syndicats ?
Chiddie King de la CSI a défendu la voix des travailleurs à Genève. Il s’agit d’une convention extrêmement importante pour les syndicats du monde entier. Le fait de mieux pouvoir protéger les travailleurs contre la violence, les intimidations et le harcèlement sexuel fera une différence pour des millions de travailleurs. Car il n’est pas acceptable que le droit à l’intégrité et à un travail décent soit purement dépendant de l’endroit où l’on habite dans le monde ou encore de la volonté de l’employeur. Il s’agit d’un droit de l’Homme. Pour accroître l’assise sociétale de ce débat, la CSI a également lancé une campagne Stop gender-based violence at work. Au sein des syndicats, l’unanimité est grande pour mettre la pression sur les délégations nationales et régionales respectives afin de parvenir à un consensus en faveur d’une convention.

Quid après juin ?
Même si les points de discussion sont encore nombreux, il semble fort qu’un consensus soit trouvé en juin sur une Convention et une Recommandation. Ce serait une belle façon de fêter le 100e anniversaire de l’OIT. Et cela nous rapprocherait un peu plus d’un travail décent, dans le monde entier.

Mais cela ne s’arrête bien sûr pas là. Chaque pays doit ensuite passer à la ratification de la Convention. Ici également, les syndicats devront batailler pour forcer la ratification de la Convention. Avec nos partenaires, nous allons voir comment nous pouvons maintenir de façon permanente la lutte contre la violence au travail à l’agenda, au niveau national ainsi qu’au niveau international. Ensemble pour un travail décent ! Ensemble, on est plus fort.

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